Il est certain que la réputation du village, et plus tard de la ville de Tracadie, a souffert au point de vue économique et social du fait qu’un lazaret ait existé à l’intérieur des limites de son territoire.

Vieux photo de la ville de TracadieAu début des années 70, le maire Camille Losier de Tracadie fit rédiger un mémoire au gouvernement fédéral lui demandant que la ville de Tracadie soit compensée financièrement pour les pertes dues à la présence d’un lazaret dans son enceinte.  Dans ce mémoire, il soulignait le fait que le lazaret avait abrité des lépreux, non seulement de la ville de Tracadie, mais aussi des localités avoisinantes et d’autres provinces du Canada, «rendant ainsi un service extraordinaire en son genre, qui a profité à la nation entière».

Puis il donne des exemples de la réputation négative que Tracadie s’était attirée.  Il cite des articles de journaux, tels le Montreal Star en 1900, le Halifax Chronicle en 1900 et le St-John Globe en 1904.

Il affirme que cette petite localité acadienne a souffert de façon assez dramatique dans son évolution sociale et économique en raison du stigmate qui reste attaché à la lèpre et à ses dangers.  Selon lui, au moment où il écrit ce mémoire, les citoyens de Tracadie «se rappellent bien quand les habitants de la ville refusaient de marcher du côté de l’hôpital sur la rue principale.»  Et il continue: «Ils citent encore l’emballeur de bleuets qui avait une conserverie à Tracadie il y a dix ans.  Il refusait d’étiqueter ses produits avec les mots «mis en boîte à Tracadie» à cause des idées effrayantes que se faisaient les gens au sujet de la lèpre». (The Saint John Telegraph Journal, August 1969.)

Photo aérienne de Tracadie-SheilaOr, le maire affirme que cette image négative a «entravé le potentiel de cette communauté en tant que site de développement industriel, mais elle a aussi eu des effets des plus néfastes sur l’industrie touristique».

L’histoire ne dit pas si le gouvernement fédéral acquiesça à la demande du maire.  Ce que l’on peut dire aujourd’hui, c’est que vers la fin des années 1970 et surtout depuis  la parution du magnifique livre « Children of Lazarus» par Mary Jane Losier et Céline Pinet en 1984, et qui fut traduit par Jacques Picotte en 1987 sous le titre « Les Enfants de Lazare », un revirement s’est fait dans l’opinion des gens du milieu et d’ailleurs.  La ville de Tracadie est honorée aujourd’hui pour avoir accueilli et soigné ces malheureuses victimes d’un mal honni et effrayant, comme en témoigne le succès du film«  Les larmes du lazaret ».